Microbiote intestinal

Il est grand temps que l’on envisage le corps féminin diffé­remment

Interview de Manon Kerkhof
(gynécologue)

Depuis quelques années, l’idée que le corps de la femme est biologiquement différent de celui de l’homme est mieux comprise, alors que c’est précisément ce corps masculin qui servait de référence à la science médicale. Le Dr Manon Kerkhof est uro-gynécologue et a fondé Curilion, centre d’expertise dans les soins de santé pour les femmes, aux Pays-Bas en 2017.

La santé des femmes n’a pas reçu l’attention requise parce que ce n’est que récemment que l’on a commencé à envisager le corps féminin diffé­remment.

 

Dr Manon Kerkhof : “Je pense que de nombreux troubles féminins ne sont pas diagnostiqués correctement, faute d’être reconnus ou admis. Ils sont plus rapidement mis sur le compte du stress, de la dépression, de l’anxiété et de la panique, malgré l’existence d’une souffrance sous-jacente. Pendant long­temps, on n’a pas accordé suffisamment d’attention aux plaintes spécifiques des femmes qui ont un impact sur la qualité de vie à la maison et au travail.”

“Par ailleurs, la santé des femmes n’a pas reçu l’attention requise parce que ce n’est que récem­ment que l’on a commencé à envisager le corps féminin différemment. La société se veut non genrée, mais la médecine doit, elle, être attentive au genre. Nous devons reconnaître que le corps d’une femme, le corps d’un être humain né avec des ovaires et produisant les hormones sexuelles féminines oestrogène et proges­térone, fonctionne différemment.”

“La question se pose notamment dans le cadre du développement de médica­ments. Jusqu’à récemment, les études médicales scientifiques étaient princi­palement réalisées sur de jeunes sujets masculins. Et après on s’étonne que certains médicaments provoquent des effets secondaires inattendus chez les femmes ?”

“Autre bel exemple : le coeur féminin. Le professeur Angela Maas a été la première à mentionner, lors de conférences de cardiologie, qu’une crise cardiaque se présente très différemment chez la femme et chez l’homme. Nous devons en être conscients, sous peine de passer à côté des crises cardiaques et autres maladies cardiovasculaires chez les femmes.”

Certains problèmes affectant les femmes semblent tabous.

“C’est vrai à plu­sieurs niveaux : dans le cas des troubles menstruels, par exemple, les règles très douloureuses, avec ou sans saignements abondants, peuvent survenir en cas d’en­dométriose, mais le diagnostic est parfois posé très tardivement car “on” pense que la douleur est indissociable de la menstruation. Le syndrome prémenstruel (SPM) est parfois si handicapant que les femmes souffrent d’un dysfonctionne­ment mental et physique un quart à la moitié du temps.”

“Le tabou entoure éga­lement les troubles du plancher pelvien accompagnés de fuites d’urine ou de selles, principalement dus à la grossesse et à l’accouchement. Même chose pour la ménopause.”

Quel est l’impact des hormones ?

“La principale dif­férence entre les personnes avec et sans ovaires est que, dès la puberté, les femmes biologiques ne produisent pas une quan­tité stable d’hormones sexuelles. Le taux d’hormones féminines varie d’un mois à l’autre. Les oestrogènes et la progestérone sont de nature cyclique, mais sont égale­ment interdépendants.”

“Ils ne sont pas seulement importants pour la reproduction, mais aussi pour de nombreux processus de l’organisme : régulation de la température, produc­tion osseuse, système cardiovasculaire, fonctionnement du vagin et de la vessie, sommeil, fonctions cognitives et émotions. Et cette liste n’est pas exhaustive. La fluc­tuation des hormones influence tout un tas de processus. Et pas seulement tous les mois, mais aussi pendant et après la grossesse et au moment de la ménopause. Les concentrations d’hormones varient. Pas progressivement, mais par à-coups. Leur désynchronisation peut entraîner toutes sortes de troubles.”

“Certaines femmes y sont plus sensibles que d’autres et, comme si cela ne suf­fisait pas, ces hormones féminines sont également liées à d’autres hormones : les hormones du bonheur, les hormones du stress telles que l’adrénaline, la nora­drénaline et le cortisol… Le corps féminin est par conséquent incroyablement com­plexe.”

“Non pas que le corps de l’homme ne le soit pas, mais disons qu’à partir de la puberté, l’homme produit de la testosté­rone, dont le taux diminue très progressi­vement à partir de 30 ans environ. Le corps d’une femme passe par beaucoup plus de transitions et nous devons apprendre à gérer ces fluctuations.”

Un mode de vie sain et un régime alimentaire font-ils vraiment la différence dans les cas de ménopause, de SOPK et d'endométriose ?

“Il y a encore beaucoup de progrès à faire en termes de mode de vie et d’alimentation. Heureusement, de plus en plus de recherches sont menées dans ce domaine. Nous savons par exemple que l’absence d’alcool, la réduction des sucres rapides et la diminution de la caféine et de la théine ont un effet positif sur les symptômes de la ménopause.”

“Chez les femmes de plus de 50 ans, par exemple, nous constatons une augmentation considérable des maladies cardiovasculaires. En adoptant un mode de vie sain et en luttant contre l’obésité, elles peuvent essayer de prévenir ces maladies.”

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