Microbiote intestinal

Microbiote et système immunitaire

Un des rôles du système immunitaire est de protéger le corps des micro-organismes pathogènes. Il se charge aussi d’éliminer les structures cellulaires étrangères (notamment les tissus morts et les tissus tumoraux). Il dispose à cet effet de mécanismes aspécifiques, innés, et de mécanismes spécifiques, acquis.

Le système immunitaire aspécifique comprend divers éléments qui combattent les organismes pathogènes du corps. L’acide gastrique et la salive en sont des exemples, mais la peau protège aussi « passivement » contre les intrus. Certaines cellules immunitaires du sang, les phagocytes par exemple, font également partie du système immunitaire non spécifique (voir tableau ci-dessous). Elles sont en mesure de reconnaître un agent étranger et de le rendre inoffensif le plus rapidement possible.

Quant au système immunitaire spécifique, il se construit au fil du temps. Au premier contact, les caractéristiques de l’intrus sont enregistrées dans une sorte de mémoire immunologique. Si le contact se reproduit, l’intrus sera donc immédiatement reconnu, ce qui autorisera une réaction rapide et efficace, avant même que le virus ou la bactérie n’ait une chance de se multiplier et de nous rendre malade.

De nombreuses études chez l’homme et l’animal montrent que le microbiote, qui se compose lui-même de bactéries, de levures, de mycoses et de virus, est nécessaire au développement équilibré du système immunitaire. Ainsi, chez l’homme, jusqu’à 70 % de la capacité immunitaire se situe dans l’intestin. Les animaux sans microbiote (souris axéniques) – ayant donc des intestins stériles – présentent un système immunitaire sous développé [1].

Les villosités et micro-villosités de la paroi intestinale sont plus petites que chez les animaux ayant un microbiote intestinal. Les fonctions intestinales (péristaltisme et renouvellement cellulaire) sont également moins efficaces.

Le système immunitaire

Effets du mircrobiote sur la résistance naturelle

La peau compte plusieurs couches de cellules. La couche supérieure, cornée, est difficile à franchir. Les intestins, en revanche, ne font qu’une cellule d’épaisseur: les nutriments peuvent en traverser les parois sans difficulté, soit en diffusant librement, soit au moyen de transporteurs spécifiques.

Pour arrêter les bactéries pathogènes, les intestins doivent dès lors pouvoir faire la différence entre les intrus et les substances utiles à l’organisme. En raison de leur surface, aussi vaste que vulnérable, les intestins jouent donc un rôle crucial dans notre immunité.

Notre micro-organismes constitue ainsi la première ligne de défense contre les bactéries exogènes et pathogènes. En effet, certaines bactéries peuvent produire des substances antimicrobiennes, telles que des bactériocines et des acides organiques, qui entravent la prolifération des bactéries nocives.

L’équilibre entre les différentes sortes de bactéries résidentes veille à la stabilité de la population. On parle ainsi, d’un véritable eccosystème dans notre intestin, dans lequel diverses espèces bactériennes se disputent l’espace et les aliments disponibles [2, 3].

Si un tel écosystème est suffisamment stable, il devient très difficile pour des bactéries « étrangères » ou pathogènes de s’y installer et de s’y multiplier. Le microbiote intestinal constitue donc en soi une protection très importante.

Effets sur le système immunitaire inné

La composition du microbiote intestinal a cependant, aussi une influence sur les fonctions immunitaires. Par exemple, les lactobacilles et les bifidobactéries ont la capacité de moduler les réactions immunitaires. Les lactobacilles inhibent la synthèse des cytokines pro-inflammatoires (notamment TNF-α et IL-12) et stimulent la synthèse des cytokines anti-inflammatoires (par ex. IL-10 ou TGF-ß) [4]. Un renforcement de la tolérance orale aux (auto)antigènes solubles peut limiter les maladies autoimmunes ou allergies.

La stimulation de la production d’IgA et l’activation des macrophages par les bactéries intestinales peuvent à leur tour protéger contre les germes pathogènes présents dans l’intestin.

L’activité cytotoxique des macrophages peut ralentir la croissance des tumeurs. Une réduction du niveau d’IgE a un effet positif sur les allergies alimentaires par exemple [5].

Ces effets offrent donc un énorme potentiel en matière de prévention et de traitement avec, par exemple, les lactobacilles et les bifidobactéries.

Influence sur les fonctions immunitaires

Le rôle du tissu lymphoïde associé à l'intestin

Le tissu lymphoïde associé à l’intestin (GALT : Gut associated lymphoid tissue) est constitué des plaques de Peyer, de lymphocytes et de macrophages intraépithéliaux. Les plaques de Peyer (agrégats de ganglions lymphatiques) sont recouvertes de cellules M.

Les cellules M sont des cellules épithéliales spécialisées, contenant des plis spécifiques (microfolds) qui leur permettent d’absorber le matériel de la lumen intestinale (appelée endocytose) et de présenter les antigènes absorbés aux lymphocytes.

Ces lymphocytes activés sont acheminés vers une glande lymphatique mésentérique régionale ou vers la rate par la lymphe ou le sang. Ces organes sont le théâtre d’une réaction immunitaire primaire qui conduit à la formation d’anticorps IgM et de cellules à mémoire IgM. Les anticorps IgM circulants se lient à l’antigène dans le GALT, pour former des complexes immunitaires piégés par les cellules dendritiques des follicules des plaques de Peyer.

Là, probablement avec l’aide des lymphocytes T, l’IgM se transforme en IgA, et on assiste à la naissance de cellules à mémoire B avec de l’IgA à leur surface. Ces cellules circulent dans l’organisme par le flux sanguin, se nichant notamment dans la muqueuse intestinale.

Lorsque les lymphocytes B entrent à nouveau en contact avec le même antigène, elles se différencient en cellules plasmiques productrices d’IgA, sous l’effet des cytokines libérées. L’IgA, avec l’aide du composant sécréteur, est transportée à la surface de la muqueuse puis dans la lumière de l’intestin, où elle exerce son action.

Après un certain temps, la mémoire de l’IgA disparaît; elle doit être reconstruite via des cellules d’IgM [6].

[1] Berg R.D., Trends Microbiol. 1996 Nov;4(11):430-5. 10.1016/0966-842x(96)10057-3
[2] Brook, I. (1999). Critical Reviews in Microbiology25(3), 155–172. https://doi.org/10.1080/10408419991299211
[3] Guarner et al., 2006. Nat Clin Pract Gastroenterol Hepatol. 2006 May;3(5):275-84. doi: 10.1038/ncpgasthep0471. PMID: 16673007
[4] Delcenserie et al, 2008. Curr Issues Mol Biol. 2008;10(1-2):37-54. PMID: 18525105. https://pubmed.ncbi.nlm.nih.gov/18525105/
[5] Maassen CBM e,a., Modulation of Cytokine expression by lactobacilli and its possible therapeutic use, Probiotics 3, editors Fuller and Perdigon, Kluwer Academic Publ., Dordrecht, 2000, pp 76- 88.
[6] [PubMed] Brandtzaeg et al. Mucosal Immunol.2008 Jan;1(1):31-7. doi: 10.1038/mi.2007.9.