Depuis 2001, YAKULT organise un Symposium International (IYS) consacré au Microbiote et aux différentes facettes de ses effets sur la santé. L’événement, qui en était déjà à sa 9ième édition, était organisé cette année dans le cadre idyllique de la ville de Gand, en Belgique. Réunissant un large panel d’orateurs, de chercheurs et d’experts internationaux sur le sujet. Cette synthèse est accompagnée d’un rapport plus détaillé que vous pouvez commander en bas de l’article.
De quels facteurs dépend l’influence du microbiote sur la santé?
Les technologies actuelles (et notamment le séquençage de l’ADN bactérien) permettent de révéler le patrimoine génétique du microbiote intestinal dans les échantillons de selles. Cela nous a confirmé que chaque individu possède son propre microbiote personnel, comme chacun a ses empreintes digitales spécifiques. Diverses recherches sont en cours pour mieux comprendre quels facteurs contribuent à cette variation et quelles sont les causes de perturbation possibles.
Dans le nord des Pays-Bas, une vaste biobanque baptisée LifeLines réunit des informations sur la composition du microbiote d’environ 10% de la population totale, ses paramètres sanguins, son mode de vie, ses habitudes alimentaires et son état de santé. L’analyse de cette immense base de données, présentée par le professeur Cisca Wijmenga (Groningen, Pays-Bas), montre clairement que les facteurs diététiques sont plus importants que les caractéristiques génétiques de l’hôte pour expliquer les différences dans la composition du microbiote. Par exemple, la consommation de vin rouge, de fruits, de légumes, de saumon et de yaourt est associée à une présence plus abondante de bactéries du genre Faecalibacterium, qui occupe une place dominante dans le microbiote.
La disponibilité des nutriments et la concurrence entre bactéries en quête de sites d’adhésion sont considérées comme les grands mécanismes qui déterminent la composition du microbiote. La présence de phages (des virus ciblant les bactéries), cependant, peut aussi influencer le cycle et la régénération des bactéries. Certains d’entre eux font actuellement l’objet d’évaluation clinique en guise de traitement potentiel pour des maladies parmi lesquelles des bactéries pathogènes sont identifiées.
Le microbiote affecte donc bel et bien notre santé dans un sens positif ou négatif. Mais les mécanismes par lesquels le microbiote interagit avec l’hôte sont encore à l’étude. Deux pistes potentielles ont été avancées lors du dernier IYS de Gand.
Le professeur Torsten Plösch (Groningen, Pays-Bas) a expliqué comment les nutriments alimentaires et les métabolites bactériens (acides gras à chaîne courte issus de la fermentation notamment) peuvent influencer la physiologie de l’hôte et sa santé en modulant l’épigénome. Le professeur Jan Wehkamp (Tübingen, Allemagne) a souligné l’importance de la barrière épithéliale, qui contrôle la composition du microbiote et prévient l’inflammation, ainsi que l’intérêt de certaines souches probiotiques dans ce système de défense de l’hôte.
Comment le microbiote module-t-il la maladie et le stress?
L’influence du microbiote intestinal peut s’étendre à des organes situés à distance, via la production de métabolites bioactifs. Les acides gras à chaîne courte, principal produit de la dégradation des fibres dans le gros intestin, sont des métabolites clés à cet égard. En se fixant aux récepteurs des cellules intestinales, ils initient différents messages hormonaux en direction du cerveau, du foie, du tissu adipeux et du pancréas. Un autre mécanisme fait appel à Akkermansia muciniphila, une bactérie qui modifie les concentrations intestinales d’endocannabinoïdes, qui contribuent notamment à la régulation de l’appétit. Ces mécanismes peuvent revêtir de l’importance dans le développement de l’obésité, de la résistance à l’insuline ou du diabète de type 2. D’autres recherches sont aussi menées aujourd’hui sur les interactions entre microbiote et cancer.
Le foie est un organe exposé non seulement aux nutriments, mais aussi aux produits bactériens et toxines qui franchissent la barrière intestinale. Les patients souffrant de pathologies comme l’hépatite alcoolique, la cirrhose ou la stéatose non alcoolique présentent souvent un microbiote dont la composition diffère des sujets sains. Or, le fait de cibler le microbiote avec des probiotiques, des antibiotiques, des fibres ou une transplantation fécale de microbiote peut avoir un effet positif sur le foie (et sa fonction). Le Dr. Jane Macnaughtan (Londen, UK) a mis en avant une intervention avec Lactobacillus casei Shirota chez des patients cirrhotiques qui a amélioré sensiblement la fonction immunitaire défaillante.
L’interaction de l’intestin et du microbiote avec le cerveau est un autre vaste sujet de recherche. Une étude d’intervention d’un groupe de recherche japonais dirigé par le Dr K. Nishida (Tokyo, Japon) a tenté de savoir si l’on pouvait gérer les symptômes de stress en ciblant le microbiote intestinal. Des étudiants en médecine à l’approche d’un important examen national ont reçu Lactobacillus casei Shirota ou un placebo sur les 8 semaines précédant celui-ci. L’intervention a permis de réduire sensiblement les marqueurs objectifs de stress la veille de l’examen, ainsi que l’apparition de symptômes abdominaux liés au stress. Une étude similaire a démontré que Lactobacillus casei Shirota améliorait la qualité du sommeil des étudiants.
Quels sont les mécanismes d’action des probiotiques?
Une importante énigme à résoudre concerne l’effet d’une perturbation d’une population microbienne ou de l’administration d’un probiotique sur le microbiote et leurs interactions avec l’hôte. Un problème complexe, car l’effet peut varier considérablement d’un individu à l’autre et peut dépendre de la composition de son microbiote personnel, ainsi que de la disponibilité des substrats pour les probiotiques. Le mesurer fait appel à des technologies de pointe.
Le professeur Paul Wilmes, (Luxembourg) a développé une méthode d’analyse combinée qui facilite l’évaluation des interactions du microbiote avec son hôte. Ses travaux ont par exemple constaté dans le diabète de type 1 que les niveaux d’enzymes provenant du pancréas exocrine diminuaient, ce qui affectait la digestion de l’amidon dans l’intestin grêle, donc aussi la présence d’amidon dans le gros intestin et par là les fonctions microbiennes. Un modèle alternatif in vitro est le Simulator of the Human Intestinal Microbial Ecosystem, en abrégé SHIME, disponible à l’université de Gand. Le modèle se compose d’une suite de cinq réacteurs qui simulent le microbiote intestinal humain et permet d’explorer les différences interindividuelles dans le métabolisme microbien.
Maria Rescigno (Milan, Italie) a proposé l’existence dans l’intestin d’une barrière vasculaire ressemblant à la barrière hématoencéphalique, qui empêcherait le passage des bactéries intestinales dans le sang. Cette hypothèse a été vérifiée grâce à PV-1 (plasmalemmal vesicle associated protein-1). Ce marqueur de l’intégrité de la barrière hématoencéphalique dans les modèles de rongeurs est surexprimé en cas d’infection à la Salmonella, un phénomène qui perturbe fortement la barrière intestinale et corrobore l’existence d’une barrière vasculaire.
Dans d’autres études, présentées par le Dr. Masanobu Nanno (Japan), l’administration de Lactobacillus casei Shirota a montré des effets favorables chez les personnes âgées souffrant d’infections des voies respiratoires supérieures. Cet effet a été attribué à la modulation immunitaire, via le rétablissement de l’activité des cellules tueuses NK. Les polysaccharides de la membrane cellulaire de Lactobacillus casei Shirota jouent également un rôle. Parmi les autres molécules qui ont été caractérisées comme effecteurs probiotiques, on trouve des molécules situées en surface des souches, ainsi que les métabolites tels que l’acide lactique, les vitamines ou encore des enzymes. Si certaines molécules sont propres à une souche, d’autres sont partagées par les probiotiques.